L'insensé brandit sa dague, fulminant.
"Pauvre folle", vociféra-t-il, "tu prétends me défier ? Toi qu'une chiquenaude pourrait écraser, tu entends affronter le plus puissant des archimages d'Azeroth ?". Il éclata alors d'un rire sinistre.
Rire ne l'embellissait point. Ses veines saillantes frémissaient, son regard s'empourprait tandis que son corps tout entier s'ébranlait sous l'effet de convulsions frénétiques.
L'inévitable quinte de toux mit fin à ce piteux spectacle.
Piètre adversaire que cet humain. Sa renommée n'avait d'égale que son incompétence. Qu'il ait pu survivre aussi longtemps était un blasphème envers ma race toute entière.
J'attendis cependant que la quinte de toux prit fin. Etre un assassin n'empêche pas d'avoir des manières.
Quand le vieux croulant se sentit enfin rétabli, je pris alors la parole.
"Prépare-toi à mourir, vieillard. La tâche que j'ai à accomplir est certes pénible, mais elle l'est moins que de te voir continuer à vivre. Ta débilité nous a assez coûté, il est temps de prendre une retraite trop longtemps repoussée. Réjouis-toi, car je suis là pour t'y aider."
Ce faisant, j'affûtais sournoisement ma dague.
Le misérable mage me regarda, l'air ahuri. Que quelqu'un osât lui parler sur ce ton lui paraissait sans doute inconcevable. J'espérais qu'une crise cardiaque viendrait à bout de ce débris ambulant, m'épargnant ainsi ma pénible tâche. J'attendis cependant en vain.
Résigné je brandis ma lame et lui tranchai la tête, d'un coup vif. Du moins, c'est ce que j'espérais. En réalité, je dus m'y reprendre à deux fois et du sang nauséabond vint tâcher ma tunique.
Nokpep, mon diablotin, me regarda faire, l'air malicieux.
"Et dire que les petits gars de Quintessence préfèrent recruter de tels grabataires plutôt que nous autres, adeptes des arts sombres", soupirais-je. "Du moins, en voilà toujours un qu'ils ne pourront plus embaucher pour Zul'Gurub. "
Depuis la mare de sang dans laquelle il gisait, Astrazar le mage sembla me lancer un ultime regard - ironique.
J'allais m'en retourner, dépité de cette victoire par trop facile, quand un bruissement sourd me retint. Je me retournai. Ce que je vis alors dépassait mon entendement.
Le sang du mage coagulait à une vitesse inouïe. Les gouttes poisseuses s'agglutinaient rapidement. Une masse informe s'ébauchait à partir des litres de sang répandus sur le sol. Je reculai, horrifiée. Imaginez un croisement entre un élémentaire et un thallophyte. Vous aurez une vague idée des contours grotesques de la chose qui naissait des fluides du vieillard.
Et quand je ressentis une vive douleur au niveau de l'abdomen, je compris que la chose m'était hostile. Ne doutant pas de mes talents, je pensais qu'un vulgaire trait de l'ombre suffirait à l'abattre. Mal m'en a pris. Outre le fait que je ne parvins pas à toucher la créature, les attaques de celle-ci redoublèrent de violence.
Le sang appelle le sang. J'avais fait gicler celui du vieillard, mais désormais c'était le mien qu'on allait verser.